Quatre formes nécessaires de folie obligatoire – Ne pas mourir 26
Il faut de la lumière, pour voir. L’Ineffable fut cette lumière. _______________ Tantôt avec la laideur de sa vieillesse, de sa mort qui la digérait intérieurement, tantôt avec son rayonnement, qui n’avait plus rien affaire avec la matière décrépite d’où il surgissait, mais seulement avec la force merveilleuse, accablante et béatifique, capable de justifier l’existence humaine, voire l'existence tout court.
Tout était léger chez elle. _______________ Le regard tourné vers l’intérieur. _______________ Lorsqu’elle dirigea ce regard vers l’extérieur _______________ c'était moi l'extérieur _______________, je me suis fait envahir, conquérir _______________ béat.
Sa polyarthrite déformante était une torture. Hyper voûtée et fatiguée, elle n’était plus capable de rien. Ni de s’asseoir sur son séant, ni de s’emparer de quoi que ce soit, pas même d’un gobelet à moitié vide. _______________ Avait des mains délicates, les phalanges noduleuses à cause d'inflammations articulaires. Présentait une immunodéficience terrible qui ne laissait pas de marge pour aucune intervention. Ni médicamenteuse, ni chirurgicale, ni radiologique, ni génétique... Néanmoins, aussi souffrante qu’elle fût, son calme dirigé vers Dieu (m’)impressionnait beaucoup (moi) Patrice. _______________ Minuscules, dérisoires même, les préoccupations et les agissements de nous autres.
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Elle mourut après dix jours de constipation.
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Patrice est poussé (mais que dis-je : animé) par une pulsion malsaine de connaître une réalité ambiguë, dont l’existence n’est toujours pas prouvée ; sans être pour autant incertaine.
Il s’agit de ce qui se trouve à l’endroit qui sépare – et différencie – conscience et matière.
C’est la couche noble (et infiniment mince) de ce ce. À ce (sic !) niveau, l’homme devient esprit.
C’est ici, se dit Patrice, que demeure la spécificité qui fait qu’un humain peut saisir la présence d’un autre humain. (Saisie supérieure et totalement différente par rapport à celle « catégorielle », forcement très grossière, qui régit les rapports dans le monde extra ou para-humain.)
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Quand un homme rencontre un autre homme, c’est à la création qu’on touche.
- À l’art !
Je vous le dis, Patrice vous le dit :
- La science doit être artistique, sinon c’est de la mort dont on parle.
La vieille Ineffable avait raison. Encore que, qui peut dire quoi que ce soit de pertinent sur la raison, sur la mort – si ce n’est qu’elles peuvent être une forme supérieure d’art, voire l’Art Suprême ? L’Art auquel on fait parfois insulte ou violence, lorsqu’il échoue comme une crêpe tombée à côté de la poêle, dans le manque de tragique, dans le manque de contour, voir des dimensions, dans la laideur de la sottise ou, au contraire, lorsqu’il sublime dans la beauté intangible et effrayante de la folie. Incompréhensible. Souriante ou sombre. Grimacière et ardente.
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Ils nous ont surpris donc, ma mère et le travelo, dans la chambre d’hôpital d’où la voisine de la vieille s’absentait pour des examens… _______________ Le regard de ma mère : une vrille. _______________ Elle examinait… comme toujours : en vitesse (grande), critique, sévère, objective (exagérée – absurde), sans indulgence, avec une supériorité théâtrale (faute d’autorité authentique)… elle examinait mes rouages internes. Mais elle ne s’y attardait pas.
Ce regard me transperçait pour se poser sur des choses qui, demeurant au-delà de moi, allaient prendre (ou perdre) forme, avec moi dedans.
Je sus qu’elle savait que nous avons fait amour, la vielle et moi. Plus encore, elle pressentait l’arrivée de Lucie dans mon existence.
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À l’époque, le vieux, avec la bulle puante de sa haine (familiale, existentielle, universelle, laide), n’existait pas encore pour moi, pour nous. _______________ Lucie non plus. _______________ Tout naturellement. _______________ Il y a des moments, des époques où certaines choses n'existent pas encore ; ou, au contraire, certaines choses _______________ les mêmes ? pas les mêmes ? _______________ n'existent plus ; _______________ ou rien de tout ça.
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