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Présentation

  • : Alexandre Papilian
  • : Ne pas être seul dans la proximité de la création. - Partager ce qu'on peut partager pendant la lutte avec les ombres - pendant la danse avec. Personnalité(s) forte(s) et inconfondable(s), se faire intégrés dans des communautés riches en névrosées, bien intégrées dans le monde actuel.
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  • Alexandre Papilian
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !

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29 juin 2008 7 29 /06 /juin /2008 14:22

 

6

 

L’homme

              Aussi, ensuite, la tournante de Marilena Popesco. J’y ai été convoité, mais j’ai eu peur… Voilà, la réalité. Elle allait être « bitée » par trois camarades de lycée qui allaient la « biter ». Dans la cave, naturellement ! Elle devait venir voir le vélo de l’un d’entre eux… Je la croisais deux heures avant !... Je l’ai trahi - en silence; en gardant le silence... Je l’ai regardé furtivement mais avec une curiosité intense… [rire] On dit parfois que la curiosité est nécessaire à l’hominisation… [rire] Je l’ai très bien caché, moi. La curiosité, je veux dire… Et du coup, mon hominisation... Et là, en la voyant si innocente à l’égard de son futur très proche... Un presque présent, quoi !... Ce fut à la peur que je me sois agrippé. A la peur. [il ricane] L’hominisation, elle, fut ainsi hyperaccomplie! [pause] Le sexe de la fille, horriblement ouvert... Ses cris étouffés. Les halètements. La bestialisation, la... transfiguration de mes camarades. Tout ça s’empara de mon esprit. De moi. J’étais pétrifié. La terreur était comme un lourd amas de pierres brûlantes - en moi. Je n’ai pas participé à la tournante. Mais, pendant que ça... tournait..., j’ai trahi mes camarades : j’ai alerté la police.  - Je n’ai pas sauvé la fille. J’ai enfoncé mes camarades… ...Je..., je ne me suis pas trahis moi-même.

 

L’épouvantail

              [geste sardonique, accompagnant l’entrée du porteur de pancartes, qui nous présent sa nouvelle pancarte : « Ecce homo ! »]

 

[Long silence]

 

L’homme

              Autre chose, maintenant: l’Albanais. [pause] C’était au bout d’une semaine de tourisme politico-culturel en Albanie. Des échanges entre l’Union des Compositeurs de Roumanie, et son homologue d’Albanie. Evidemment, de la foutaise. Mais, enfin !… Un vieillard… Je crois qu’il avait soixante-dix ans. Il s’était mis dans la tête qu’il faut qu’il soit joué en Roumanie. En Europe, quoi ! Il était de la vielle garde. Il parlait très bien français et il se souvenait des choses qui n’existent même pas. – Bref ! Il est venu à quatre heures du matin à la gare, pour m’apporter ses partitions. Cinq kilos ! Il était vêtu d’une chemise à carreaux jadis marron et bordeaux, et des pantalons froissés de coutil bleu. Il était pieds nus dans des sandales effilochées… Et dans les partitions il y avait des chants patriotiques et partinéens, quelques « suites » et quelques « concertinos »… Il avait l’air d’un dépotoir intellectuel rendu... ineffable, qui cherche un peu de solidarité - ni plus, ni moins ! - auprès d’un autre dépotoir intellectuel, non pas rendu mais né en tant que… La musique, autrement dit, comme l’intellectualité, ne connaît pas des frontières !… [pause] Une fois arrivé à la frontière, je déclare tout aux douaniers albanais. On me confisque les cahiers, j’ai droit à un petit discours, mais, on me laisse en liberté...

 

L’épouvantail

              Ce qui n’a pas été le cas de l’autre. Certainement pas !

 

L’homme

              [comme si rien n’était] Ben, oui ! Liberté. En liberté.

 

[Long silence]

 

 La marionnette

              Il trahit aussi un de ses frères. C’est vrai que celui-ci négligeait sa femme. C’est vrai que cette femme, elle non plus « n’était pas une porte d’église », comme on dit en roumain. Mais… bref ! Il coucha avec elle, avec sa belle sœur… Et au bout de neuf mois, une fillette qui lui ressemblait très fort fut pondue… Mais personne ne s’étonna. Les enfants ressemblent très fréquemment à leurs oncles, à leurs tantes… [pause prolongée] C’est vrai, pourtant, qu’il n’a tué personne. Même si c’est par manque de courage, par peur - et non pas par non-vouloir, ou par volonté affirmée. Il n’a pas tué... Personne !                                  

[Long silence]

 

L’homme

.             Et ensuite, Minerva. La totale. La super-totale. Ce qu’elle a fait de moi, ne peut pas être décrit… - Elle m’a rendu tout l’amour que je lui ai insufflé. Voilà, c’est ça. J’ai senti ça. C’est ça que j’ai senti…[syllabe par syllabe] Tout l’a-mour que je lui ai in-su-flé !… - Nous n’étions pas faits l’un pour l’autre, pour autant. En tout cas et du moins, pas pour notre temps. Impossible, pour nous, de former un couple social aujourd’hui. Enfin, ce jour-là! Même si on s’aimait au-delà - ou en deçà, ou à côté - de la compréhension. La compréhension ne servait à rien. L’histoire très concrète n’était pas... réaliste. Je dirais qu’elle n’était même pas réelle. Or, la compréhension agit seulement sur et à l’intérieur du réel. Alors, dès que j’ai cédé, dès que je me suis mis à examiner la situation, muni de lucidité et de logique, dès que j’ai opéré des appréciations sur l’environnement social ainsi que des auto-appréciations,  j’ai dû m’incliner devant la réalité, devant le réel. - Quel couple, la réalité et le réel ! [avec ironie et sarcasme triste, tremblant hysteriquement] Ineffable. Dépotoir. Ineffable dépotoir. - Elle n’était ni assez bourgeoise, ni assez féroce pour satisfaire mon besoin de commodité domestique, ni - ce qui ne me parait pas contradictoire - celui de la conquête sociale ; elle ne pouvait pas m’aider à faire face aux doutes de celui confronté aux tentations de la création et, dans un autre registre, apparemment, aux tentations du pouvoir. Nous n’étions pas assez forts... Ni elle, ni moi.

 

L’épouvantail

              [à l’homme] Surtout elle.

 

La marionnette

              [au public] Surtout lui.

 

 

L’épouvantail

[à l’homme] Mais vous étiez assez ineffables…

 

La marionnette

              [au public] …et assez dépotoir...

 

L’homme

              ...pour notre époque. [après une pause] Nous ne vivions pas à l’intérieur de notre temps ! - J’ai du l’abandonner. [pause] La trahir. [pause] Notre séparation, en ‘76, juste avant Noël, fut silencieuse mais chargée d’un max de chagrin, fortement douloureux… C’est quoi l’amour ?... - ...Trois mois plus tard, le 4 Mars ‘77, il y a eu un grande séisme en Roumanie. Mille cinq cents morts à Bucarest. Parmi tous ces cadavres - elle. On l’a trouvée écrasée et brûlée sous des décombres. C’était fini.

 

La marionnette

              Plus d’interrogations.

 

L’épouvantail

              Plus de rédemption. Le pardon n’était plus possible.

 

L’homme

               Il n’y avait plus que de l’impossible et de la solitude.

 

La marionnette

              On le vit, l’année suivante, le 4 Mars, au cimetière. On radota sur lui. Et aussi, l’année d’après. Et, ensuite, celle d’après...  

L’homme

              Je devins sujet des radotages. J’étais vulnérable. J’étais faible. J’étais mal. Potentiellement, j’étais un souffre douleur…

 

L’épouvantail

              [lui coupant la parole avec sarcasme] Un souffre douleur cosmique, tremblementique, hystérique, affolique.

 

La marionnette

              [avec sarcasme] Unique !

 

L’épouvantail

              On s’en balance !

                                                                       [Noir]


                                                                  L’homme

              [dans le noir] Ça faisait mal, pourtant. Ça fait toujours mal. Très mal, putain ! Trop mal. Trop.

 

Le porteur de pancartes

              [suivi par un spot de lumière, entre et plante au milieu de la scène une nouvelle pancarte : PUTAIN ; ensuite, il sort, en laissant la pancarte dans la lumière qui s’éteint  tout doucement…]

 

Fin de la première partie

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