Mélodrame
Je vais mourir. Je sais. Je sais que je vais mourir.
Je suis retombé en enfance. Une chute vertigineuse, et me revoilà collé à maman. De l'autre côté, ma sœur, de deux ans ma cadette, écoute comme moi. Maman nous lit un livre colorié. Cinq et trois ans. Une histoire pour nous. Écrite dans le livre. Dite par maman.
Ensuite c'est papa qui entre, qui s'assoit par terre, qui met sa tête sur les genoux de maman. D'une main il touche et caresse ma sœur, de l'autre, moi. Il nous aime, tous. Son amour s'ajoute au bien indicible de l'histoire écrite dans le livre et dite par maman. Maman caresse les cheveux de papa et lit à haute voix.
Je sais que c'est idiot, mais je trouve dans cette scène vécue il y a soixante ans le maximum de bonheur qui m'a été donné à vivre. Le mélodrame, avec sa banalité rassurante est la chose la plus merveilleuse qui peut arriver à l'humain.
Ma sensibilité râpée en est ainsi avertie.
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