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Présentation

  • : Alexandre Papilian
  • : Ne pas être seul dans la proximité de la création. - Partager ce qu'on peut partager pendant la lutte avec les ombres - pendant la danse avec. Personnalité(s) forte(s) et inconfondable(s), se faire intégrés dans des communautés riches en névrosées, bien intégrées dans le monde actuel.
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  • Alexandre Papilian
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !

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29 janvier 2018 1 29 /01 /janvier /2018 09:33

 

Double suicide

 

 

J'étais la plus heureuse mère du monde. Julien avait trouvé enfin sa paire. Michel.

Des homos tous les deux. Julien avait beaucoup souffert avant de faire son comming out. Il se trompait, évidemment. Ni son père ni surtout moi, n'aurions eu rien à dire quant à ses préférences sexuelles. Aujourd'hui, ce n'est plus un problème. On peut être comme on veut. Sauf pédophile. Sauf nécrophile. Sauf zoophile. Certes.

- La loi ne le permettrait pas, parait-il.

- La discussion ne vaut même pas une seconde de plus.

Il n'était ni pédo, ni nécro ni zoophile mon Julien. Ni son copain, Michel. Ils étaient bien, tous les deux.

Très bien.

- Ils étaient heureux.

Ce qui se voyait tout de suite quand tu entrais dans leur petit appart du treizième. Soigné à la perfection. D'un bon goût délicat et subtil. Très. La demeure respirait l'équilibre, l'harmonie. Et l'amour. Je n'avais même pas besoin de le dire. L'amour, chez eux, était visible tout de suite. Non pas dans des embrassades ou dans des bécots, mais dans l'environnement. Ils créaient une espèce de lumière plus transparente que la lumière du jour. Lumière porteuse d'une paix musicale envahissant ton intérieur. Ton intérieur d'étranger dans leur univers.

...Tout ça n'existe plus aujourd'hui. Ils sont morts, tous les deux. Morts de chez morts.

« Cher Michel, écrivait dans sa lettre d'adieu Julien, j'aimais en toi ce qui te manquait. La partie féminine, peut-être. Aurais-tu ressenti la même chose à mon égard ? Aimer le manque de l'autre, quoi de plus invraisemblable ? Quoi de plus triste et de féroce ? Quoi de plus insupportable ?

« Nous aurions pu avoir un enfant. Il aurait été nôtre, mais pas le nôtre. Le mystère de la genèse nous est inaccessible. Interdit, peut-être ? Pourquoi interdit ? Qu'est-ce que nous avons fait de mal dans notre vie, nous ? C'est quoi ce vide qui nous cerne ? C'est un siège ! C'est une hystérie tueuse.

« Je t'embrasse avec le plus grand amour possible, mon amour.

« On se reverra un jour, j'en suis sûr. On se reverra là où les enfants ne sont pas une question de sexe. Ni d'hystérie !

« Ton Julien qui t'aime comme ce n'est pas possible dans ce monde – mais seulement ailleurs : dans l'univers des manques, des vides. »

On les a trouvés morts.

Naguère j'étais la mère la plus heureuse du monde. Aujourd'hui, je ne suis qu'en vie. Une vie morte. Oui.

 

Blog : www.alexandre-papilian.com/

 

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