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Présentation

  • : Alexandre Papilian
  • : Ne pas être seul dans la proximité de la création. - Partager ce qu'on peut partager pendant la lutte avec les ombres - pendant la danse avec. Personnalité(s) forte(s) et inconfondable(s), se faire intégrés dans des communautés riches en névrosées, bien intégrées dans le monde actuel.
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  • Alexandre Papilian
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !

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26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 08:47

 

 

Joindre les mains

 

 

     C'est la mode. On nous impose la mode. C'est l'impératif de la mode. Je ne sais pas si c'est bien ou pas bien, mais l'homme est invité avec insistance, impérativement, à assister aux travaux de l'accouchement de sa femme. C'est la civilisation qui l'exige. Même si l'homme, à priori, n'y prend pas du plaisir. Aucun plaisir.

     Dans la vie il n'y a pas que le plaisir. C'est ce qu'on dit.

Hélène souffrait beaucoup. Terriblement. Très beaucoup. Je ne reconnaissais pas ma femme. Elle était torturée par une force qui m'effrayait. Ses cris m'étaient inconnus.

     C'était pas à moi de souffrir. Ni comme elle. Ni pour elle. C'était pas dans le cahier de charge de mon existence, dans ma nature. 

     Elle transpirait. Elle sentait pas trop bien. Même mauvais.

Elle envoyait au monde l'expression d'une peur surhumaine. C'était une femme qui retrouvait l’effroi de la petite fille torturée qui demeurait en elle. Une expression forte de haine tout azimut. Un reproche adressé au monde, à l'univers, à l'enfant qui la déchirait, au personnel médical inutile, à moi.

     Elle était moche. Elle n'était pas la femme qui, jadis, répondait avec beaucoup tendresse à mes étreintes. Elle n'était plus la femme fertile qui avait donné un certain sens, une certaine direction à ma vie. Elle n'était plus la femme de ma vie.

     Son corps était déformé. Les jambes aux grosses cuisses largement écartées. Le ventre hideux abritant une larve féroce ayant terminée son cycle anaérobie qui voulait partager l'air terrestre avec nous, avec vous, avec tous.

     Elle était moche. Un monstre répugnant.

     J'étais désemparé, déstabilisé, désarçonné, repu, anéanti.          Un malheureux dans la main de Dieu.

     Dans la main de Dieu, sûr et certain. Plus que sûr et certain. Et pour cause. Lorsque j'ai vu Hélène en sueurs et en hurlements joindre ses mains comme pour prier ou, plus encore, pour implorer et remercier, j'ai changé soudainement et fortement de vie. Dans une explosion volcanique, elle avait poussé Hermine vers le monde, vers nous. La terre tanguait sous mes pieds à perte de souffle. C'était la chute dans un autre infini que celui de tout à l'heure. Nous avons embrassé la petite fille. Nous étions trois. Et encore plus que ça. Nous étions un monde. Un nouveau monde. J'ai coupé le cordon ombilical. Je ne sais pas vraiment ce que je faisais. Une infirmière prit Hermine, l’enveloppa dans un drap d'hôpital et parti avec elle pour la peser et prendre ses mensurations. Hermine pleurait, aveuglée par la lumière trop forte pour elle. Elle réclamait notre présence, sa mère et son père.

     Moi j'avais la gorge serrée. J'étais bête comme pas possible. J'étais rempli d'une miséricorde qui n'était pas la mienne, mais pour moi.

     Il serait injuste de dire que j'étais bon.

     J'ai peur de ne pas avoir les épaules assez larges et fortes pour résister et survivre à ce que j'ai ressenti, pour cette reconnaissance et cette miséricorde – pour ça.

 

Blog : www.alexandre-papilian.com/

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