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Présentation

  • : Alexandre Papilian
  • : Ne pas être seul dans la proximité de la création. - Partager ce qu'on peut partager pendant la lutte avec les ombres - pendant la danse avec. Personnalité(s) forte(s) et inconfondable(s), se faire intégrés dans des communautés riches en névrosées, bien intégrées dans le monde actuel.
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  • Alexandre Papilian
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !

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8 mars 2008 6 08 /03 /mars /2008 05:55
     

Avant propos

 

« De quelle origine êtes-vous » me demande-t-on lorsque mon accent retentissant se fait entendre dans l’atmosphère inspirée et respirée majoritairement par certains des héritiers de Vercingétorix et de César. « Vous avez trois chances », réponds-je, avec le sourire le plus ludique, doucement provocateur, joyeux, complice – bref, sympa – possible. --------------------------------- D’habitude, le regard de mon interlocuteur devient pensif. Il entre dans le jeu. Il accepte d’y se soumettre. Ca ne lui déplait pas. Parfois, ça lui plait. ----------- « Vous êtes italien ? » « Non. » « Brésilien ? » « Non. » « Alors… Vous n’êtes pas espagnol, n’est pas ?! » « Non. » ----------- Ça, pour le set le plus fréquent des Question/Réponses. ----------- « Vous êtes d’un pays de l’Est. » « Oui. » « La Pologne ? » « Raté. » « La Hongrie. » « Certainement pas. » «Alors, quoi ? La Yougoslavie ? » « Même pas. » (« Vous n’êtes pas turc, au moins ? » c’est la question la plus amusante – de sa catégorie – qui m’a été posée dpuis que je suis arrivée en France, il y a… des années et des années.) -----------  Alors ?? ----------- « Ça alors !! Vous êtes de quelle origine, alors ? » « Je suis d’origine… divine ! »

J’ai droit, parfois, à un interlocuteur qui a de l’humour. Alors (alors), nous éclatons de rire. Nous sommes amis. ----------- Parfois, j’ai droit à un interlocuteur interloqué : sa pensée « correcte » est heurtée (voire gênée) par l’idée que dans la République laïque dominante, il y existe encore un retardé de mon espèce… Il s’agit souvent d’une personne « récupérable », pour autant (je parle de mon interlocuteur, qui peut « comprendre » qu’un (tel) métèque puisse trouver drôle une telle réplique…). ----------- Parfois, enfin, l’idée que je pourrais être d’origine divine, énerve. Assez fort. Voire très fort. – Ça énerve !!! – Dans ce dernier cas, il n’y a rien à faire. C’est un ennemi qui se dresse devant moi. On ne se promène pas, comme ça, avec son origine inconnue, dans ce monde sous-lunaire – comme si on en avait le droit ! – Alors ? – « Non, mais, sérieusement (!), de quelle origine êtes-vous ? »

Je pense que ce n’est pas le moment de donner une réponse sérieuse (!) ici et maintenant, à cette question.

Je me contenterai (en vertu du mon seul libre-arbitre) de publier de temps en temps sur ce blog une petite histoire, une nouvelle « vue » en France par quelqu’un d’ailleurs. ----------- Publier ces nouvelles, certes, sous le titre « 44 histoires courtes, presque névrotiques » (pourquoi 44 ? – parce que c’est 44 que j’en ai écrit... – voilà pourquoi !), publier donc ces histoires, mais répondre aussi aux éventuelles interpellations venues on ne sait pas d’où, elles non plus (n’est-ce pas ?).

Alors (alors) ----------- c’est parti !


 

Suis-je idiote ?

(croquis)

 

Suis-je idiote ? Certainement, d’après eux. Ils (me) l’affirment, (me) le disent. Poliment, avec retenue, sans méchanceté, définitivement : je suis différente. Ils le pensent. Ils y pensent.

Celui qui ne le dit pas, qui ne le pense même pas, c’est mon frère, Paul. À raison. Il n’a plus que moi au monde. Nous sommes seuls dans ce monde. Depuis dix ans. – Les nôtres – on n’a même pas pu les extraire de la carrosserie aplatie. C’est ce qu’on nous a été dit. La N10 est dangereuse. Nous deux, Paul et moi, nous avons survécu. Paul a eu les jambes cassées et les testicules arrachés. – ... Mais, en fait, il fut plus que ça. Il m’a cédé une partie de son foie. Le mien était devenu des simples tripes...

Ça m’a fragilisée, débilisée... (Idiotisée, peut-être ?) Fait est que je suis toujours en vie. Même si j’ai rencontré pour la première fois la mort à même pas quinze ans. Même si j’ai perdu à cette occasion un œil et la moitié de la mâchoire. Ce n’est pas rien. Je veux dire : ce n’est pas rien que d’apprendre que mes parents furent..., qu’ils avaient été transpercés par la ferraille, laminés par le camion-mastodonte-destin... Ce n’est pas rien que de se frotter à elle, à la mort, une deuxième fois, peu après. C’ n’a pas été rien que d’apprendre que mon foie était foutu ! – La mort se dressait de nouveau devant moi. – Ce n’est pas rien de vivre ça, sa mort ! – Ce n’est pas rien de voir que mon frère, de deux ans mon aîné, fut..., qu’il s’est déclaré prêt à la rencontrer, lui aussi, la mort, encore une fois, à côté de moi et pour moi, en se laissant éventrer, pour me donner une partie de son foie! (Je crois qu’il n’a même pas réfléchi. Réfléchir à quoi ? J’étais sur le point de passer de l’autre côté. Il n’allait pas me laisser le quitter ! – Je veux dire qu’il est bon ! C’est mon frangin ! Totalement !!!!) Ce n’est pas « rien » !

...J’ai vu le camion bondir par-dessus la bande végétale. Notre voiture s’est encastrée dedans comme attirée par un aimant. Comme programmée; destinée; prédestinée.

Idiote ? Et puis quoi ? Aucune importance ! Par rapport à quoi – idiote ? Par rapport à qui ?

Il est étonnant le noir qui se trouve à l’intérieur de nous. Nous ne sommes pas munis des yeux intérieurs. Nos yeux intérieurs sont les douleurs. Ça se passe dans le noir, les douleurs. .. Nous sommes condamnés à regarder (je ne dis pas : voir) dehors. (On n’y trouve aucune de nos douleurs à nous !) Et pourquoi regarder dehors ? Pour consacrer cet extérieur ? Pour le sacrer, peut-être ?... Nous sommes enracinés à l’intérieur de nous mêmes par les douleurs. Parfois, nous y sommes confinés.

Suis-je idiote ? Oui, selon eux. Différente. Ils n’ont aucun problème avec l’intérieur et l’extérieur, avec le noir et avec la lumière. Aucun problème, pour eux. Aucune question. Tout est – normal. Pour eux, je veux dire.

Car moi, je suis idiote, moi ! Je me dis, moi, que...

Toute chose à une fin, c’est clair, c’est évident ! – que je me dis. Mais, comment se fait-il que toute chose ait un début, un commencement ? – Ça, je ne comprends pas. Comment comprendre ? C’est-à-dire : comprendre quoi ?

Il faut assumer son idiotie. Encore faut-il l’identifier, la mettre à l’épreuve, l’éprouver... Peu importe ! Il faut l’assumer et arriver, ainsi, sinon au bon port, au moins au bon liman... Arriver, et sourire... À travers les larmes... (Pourquoi peut-on sourire pendant qu’on soupire encore ?...)

Idiote ! Peut-être ! Et pourquoi pas ? Ça ne change pas la réalité. Si réalité il y a.

Je prends un exemple. L’énergie. Les sources d’énergie. Le bois, le charbon, le pétrole, la soi-disant structure atomique, les vents, les vagues, les lumières, « l’auto-énergie » bio... Tous ceux-ci furent-ils conçus en tant que source énergétique pour l’extérieur de l’être humain, pour l’homme, pour l’humanité ? Furent-ils conçus afin d’être de telles sources ? Oui ? Alors la Conception existe ! Ou non ? Elle n’existe pas ? Alors l’humanité est conquérante, donc étrangère, donc de passage, de passage – sur terre. Et, finalement, pourquoi tant de sources énergétiques, quand le concept d’énergie est unique et sans opposé, sans opposition ?

Idiote ? Pourquoi pas ? Mais, il y a faute. Il y a malentendu. Ou virtualité changeante et autosuffisante, dont le contact avec la contre-virtualité ne mène à rien, à l’inutile, au dommageable, voire à l’explosion.

Il y a sans doute faute. Dans le noir de mon dedans, il y a des musiques et des lumières. On y métamorphose...

Je ne dis à personne qui est le père du petit que j’ai commencé à fabriquer. Ici, dans mon ventre. Dans mon noir. Dans mon mourir. Pas même à son père. Pas besoin qu’il sache, lui, qu’il peut déjà engendrer, ou quoi que ce soit, lui, sur son pouvoir fécondant...

À Paul, peut-être, je le dirai. – Peut-être. – Je ne suis pas sûre qu’il en ait besoin ; que, par conséquent, il puisse comprendre..., lui non plus. Mais pour d’autres raisons.

Ce n’est pas que l’autre, le père, lui, n’ait que douze ans. Un enfant, dirait-on..., mais... Quelle importance, l’âge ? L’importance de l’arrestation et de la prison, voyons ! Et je n’en ai pas envie. Il était attendrissant, le morveux. Le dépucelage d’un teen-ager c’est quelque chose. Il fallait voir sa petite tronche après.

…Mais, ce n’est pas la question. La question c’est que, pour Paul, ce qui compte c’est moi. Nous sommes seuls au monde. Nous serons trois, bientôt. Son neveu... Je le dirai à Paul, peut-être. Je lui dirai que je me suis rendue aux Pays-Bas, pour une fécondation artificielle. C’est à notre portée, aujourd’hui, n’est-ce pas ? En tout cas, ça donne des résultats.

À quoi bon autre chose ? À quoi bon dire la vérité ?

Suis-je vraiment idiote ? De quelle vérité encore je parle ?

 

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