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  • : Alexandre Papilian
  • : Ne pas être seul dans la proximité de la création. - Partager ce qu'on peut partager pendant la lutte avec les ombres - pendant la danse avec. Personnalité(s) forte(s) et inconfondable(s), se faire intégrés dans des communautés riches en névrosées, bien intégrées dans le monde actuel.
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  • Alexandre Papilian
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !

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5 novembre 2008 3 05 /11 /novembre /2008 23:00

Avant propos

La lignée réveille une fierté tout aussi inexplicable que réelle et… virulente. Seulement ceux qui n’ont pas d’héritiers peuvent ne pas apprécier les bienfaits transhumains d’origine divine dus à la lignée.

La chose est valable même pour l’époque contemporaine, où les familles « recomposées »se banalisent de plus en plus, jusqu’à devenir la règle ; familles dans lesquelles il est de plus en plus difficile de trouver qui est le parent de qui, qui est l’enfant de qui  ----------- qui est qui, plus généralement. Chose valable, plus généralement, pour beaucoup d’autres ----------- pareil.

- Pour tout le monde.

S’il se trouve.

 

Vaste question

 

On a une table pleine de photos, des petits portraits encadrés. Beaucoup d’enfants, mais aussi des adultes. Il s’agit de quatre générations. Les plus jeunes, dans leurs photos, ont l’air de n’avoir pas dépassé l’âge de deux ans.

On a des cadres dorés, ornés d’images de fleurs, de feuillues, d’herbivores, d’insectivores, de chats, de chérubins.

- Une table mortuaire, on dirait.

Et pas tout à fait à tort. – On a Papou et Mamou, qui ont déposé les photos là, dans la pièce de passage, non seulement par orgueil « (pro)géniteur », mais aussi contre l’oubli, contre le néant.

La quatre-vingtaine dépassée mais très bien conservée, Papou et Mamou ne trouvent que très rarement le temps de contempler ces images, de leur descendance.

- Ils vaquent en permanence à leurs occupations.

Dans le jardin ou dans le potager, au bord de la piscine, dans l’atelier ou dans la cuisine d’été. Ils font même des randonnées à vélo... Sympathiques plutôt ! Certes ! On peut supposer, pour autant, que l’aigreur provoquée par la diminution des forces se fasse pas mal sentir. Les deux vieillards, avec leur histoire commune longue de décennies, se regardent l’un l’autre. Ils ne peuvent que constater les dégâts. (Ils vont mourir assez bientôt.) C’est évident. Ce n’est plus un jeu !

- La table funéraire devient ainsi un témoin fiable.

Très fiable.

Ils ne se déshabillent plus l’un devant l’autre. D’autant moins l’un l’autre. Ils évitent de se montrer lorsqu’ils sont décoiffés, sans prothèse dentaire dans la bouche...

- Ils font chambre à part.

Ils sont civilisés. Ils savent qu’ils sont laids aujourd’hui, que leur aspect est désagréable aux autres. À eux même, pareil. Leur chair n’est plus que de la peau pendante, ridée. Ils évitent le miroir. Ils se sentent souvent fatigués; ils se sentent souvent descendre...

- Dans leur descendance ascendante !

 

...C’est difficile pour elle, pour Mamou. Elle regarde ses enfants et se souvient du moment de leur expulsion au monde. Ce n’était pas un jeu non plus. Ce n’en est pas un aujourd’hui encore. Ils sortent encore et toujours d’elle. Tous ! Chacun à son tour, certes, mais aussi tous ensemble. Jusqu’au plus petit, jusqu’au jamais-dernier-des-benjamins-actuels-ou-à-venir. Chaque nouveau « fruit » n’est qu’une nouvelle et... inépuisable source d’imprévisible et de souvenirs. La joie (pigmentée des soucis, de l’auto-éducation en matière de patience, de dévotion, de compréhension, de  pardon total, de sourire...) qu’elle ressent, qu’elle crée, qu’elle provoque et qu’elle subit. Cette joie la béatifie ; elle justifie son existence ; elle la momifie et la prépare pour la mort.

- La femme a pour Dieu l’enfant.

Ceci  confère un « certain » statut à l’homme. Celui-ci ne comprend ni le bonheur de porter dans son ventre « la boule fruitière », ni d’expulser « le fruit », de le mettre au monde.

- Il ne comprend rien, à vrai dire !

D’où toute son inquiétude créatrice de Dieu. (Pour qu’on puisse mieux le différencier par rapport à la femme, naturellement !) – …Pour Papou la situation est tout aussi difficile. Ce n’est pas un jeu pour lui non plus. Il se sent injustement inutilisé et puissamment marginalisé. Mais la flamme de son exaspération n’est pas assez incandescente pour qu’il suive l’exemple célèbre de Tolstoï, de faire une fugue de vieillesse, pour mourir sur un banc de gare, dans un recoin oublié du monde...

 

 

 

On a, donc, Papou et Mamou en bonne santé physique et mentale. Ils ne sont pas assez affaiblis pour mourir tout de suite.

- Ils s’auto-contiennent d’une manière satisfaisante.

Ils ne se regardent plus, l’un l’autre. Ils s’aperçoivent l’un l’autre mécaniquement, ils « se constatent » réciproquement en tant que parties de la même chose. Ils découvrent, dans le vide de la fosse béante qui les sépare foncièrement et infiniment, le néant du miracle qui appelle et impose la transgression ; la transcendance de leur propre sexe-espèce ; l’extrêmement puissante virtualité de la tolérance réciproque déviée, transfigurée en tendresse. Hideuse et décrépite, leur tendresse d’aujourd’hui, affaiblie, vacillante, clignotante mais encore vivante, vaut encore mieux que toute autre tendresse...

D’un temps à l’autre, ils regardent avec un scepticisme allumé et illuminé, avec une laide irritation, les photos-portraits encadrées. Ils gardent, silencieux, l’instant pour eux seuls. Ce sont des moments où ils sont solitairement uniques et solitairement écorchés. Ce sont des moments où ils pénètrent dans la nébuleuse qui enveloppe les mots. Ce sont des moments où leurs souvenirs (partagés ou pas) les poussent vers la sortie.

- Sans pour autant avoir appris comment quitter la mémoire.

Ni comment assumer sa sortie, comment s’en sortir...

Voilà ce qu’on a.        

...Quant à nous, nous n’avons qu’à apprendre, qu’à savoir que c’est pour cela, à cause des souvenirs manquants, que la mort des enfants ou des vieux séniles (à la mémoire vide ou vidée, capable, peut-être, d’absorber, mais incapable de (ré)pousser...) puisse être effroyablement  dramatique !...

...Quant à celui qui nous raconte toutes ce qui vient d’être dit, quant à celui qui ose ces histoires, lui, qui est-ce ?... Qui… de qui ?...

Vaste question !

 

 

-Aurait-il besoin de se confesser, peut-être ?

Ou le devoir ?

 

 

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