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  • : Alexandre Papilian
  • : Ne pas être seul dans la proximité de la création. - Partager ce qu'on peut partager pendant la lutte avec les ombres - pendant la danse avec. Personnalité(s) forte(s) et inconfondable(s), se faire intégrés dans des communautés riches en névrosées, bien intégrées dans le monde actuel.
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  • Alexandre Papilian
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !

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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 03:30

 

Œuf de fou

 

 

« Quelle est la différence entre nous et une maison de fous ? Eux, ils ont une direction lucide ! »

Blague audiovisuelle. 

 

« La folie de l’homme raisonnable est

anatomisée à fond par le clin d’œil du fou. » 

Shakespeare, Comme il vous plaira, II, 7 56-57

 

I

 

3

- Nous ne sommes pas invulnérables, opina un des journalistes sportifs, dès que Pierre Laisarde fit savoir à son service l’échec essuyé auprès de Cocâltãu. Il cherche la bagarre et nous ne sommes pas invulnérables.

- Il est même de mèche avec la Présidence, intervint un autre journaliste. Il ne t’a pas suggéré d’acheter du chabichou ? Je veux dire, ici, à Paris, maintenant, étant donné que la Présidence se promène en Afrique où elle continue d'ailleurs son commerce1?…

- Tout ça peut être bien vrai, se fit entendre la voix du chef du service Sport, après que le rire général, composé des rires individuels, s’éteignit, tout ça peut être bien vrai, mais ça ne résout pas notre problème. Si l’idée du Marathon commenté radiophoniquement en direct et en solo ne trouve pas d’adeptes, alors soit nous faisons fausse route, soit nous sommes l’avant-garde d’un art qui n’existe pas encore. Et, comme tous les précurseurs, nous avons à souffrir pour notre idée. Mais moi, personnellement, j’estime qu’aucune idée ne mérite d’être payée comptant avec de la souffrance.

- Parle pour toi, lui coupa la parole, hautain, le Délégué Syndical. Nous autres, nous avons des idées différentes. Tu n’es pas obligé de les suivre, de nous suivre. Tactiquement, je dirais même que ce serait mieux que tu ne sois pas au courant de tout ça.

Et, avec un sourire un peu crispé :

- Tu peux disposer !

<>

- On te demande à la Direction Générale, dit la secrétaire du service Sport lorsque le chef du service rentra dans ses locaux.

- C’est qui ?

- Le Coq-sans-crête.

- Merde !

Le chef de service sortit dans le couloir et prit l’escalier pour monter deux étages jusqu’au septième, où siégeait tout le staff de RFI.

Virginie, une des secrétaires de la Direction Générale, toujours souriante, bien assise sur ses fesses rondelettes et fermes, lui fit un signe familier de la tête.

C’était bien Hamilcar Tabiste, le Coq-sans-crête, qui le convoquait.

<>


Portrait.
Le Coq-sans-crête est un énarque très jeune2. Bâtard félino-gallinacé, il a fait ses griffes et ses ergots3 – ses premiers essais-désastres – à RFI.

La première grande réussite du Coq-sans-crête a été « la création de la synergie entre les langues ». Il a inséré ainsi du chinois dans les émissions vers l’Allemagne, du russe dans les émissions vers la population Maori, de l’arabe dans les émissions vers Israël, du luxembourgeois, du liechtensteinois, de l’andorrien, du vaticanois, dans les émissions vers Noa-Noa, du français dans les émissions pour les manchots de l’Antarctique et pour certaines îles non-peuplées, etc. etc.. C’est, d’ailleurs, lui qui a ouvert la rédaction en langue méconnue4

Cela étant, Le Coq-sans-crête est chargé de la visualisation de RFI. La visualisation de l’invisible, ainsi que la visio-sonorisation représentent the must de l’actualité. Qu’il visualise le son ! Qu’il ouvre la voie de la radio visuelle ! Était-il un jeune loup ? Oui ou merde ?

Mais le jeune Coq-sans-crête tombe amoureux d’un disque-jockey (familièrement, DJ) de la Maison, un certain garçon roux aux yeux de renard et au caractère de hyène. Le DG est converti par le DJ au raffinement des pizzas.

- Une bonne pizza, pour un royaume !

Lors des moments de crise (leur amour ne manque pas de moments tempétueux), le Coq-sans-crête achète des poupées en élastomère, qui sifflent si on les presse, et les range sur le bord de son bureau.

- Un régiment.

Chargé comme un émetteur d’hystérie froide fonctionnant à plein régime, le Coq-sans-crête repend autour de soi, rayonne – tout en gardant un sombre silence et sans regarder personne – le célèbre dicton : « on se soumet ou on se démet ». Il vise – lorsque son esprit se dit réveillé, éveillé – tous les autres :

- Des fainéants comme tout, qui parlent et agissent le plus lentement possible, qui empêchent tout versement d’une langue dans une autre, toute transmutation du son en image, toute visualisation sonore, toute avancée de la réforme.

La confrontation du DG avec le monde, efface toute trace de sourire sur les lèvres de tous.

- DG compris.

Une nervosité malsaine s’empare de RFI. La boîte vit à l’heure d’une forte intoxication psychologique.

Le Coq-sans-crête dépasse – précède ! – l’état d’esprit qui s’emparera des banlieues françaises, occidentales, où les jeunes loups, les futurs caïds, criminels, taulards réclameront à l’opinion publique qu’on les respecte. Du respect ! Et de la dignité5 !

Le Coq-sans-crête, lorsqu’il sera contraint de quitter RFI, trouvera refuge à Radio Notre Dame. Il y sera suivi par son amant de DJ.

On perdra ainsi la trace du fils de Neuvic en Creuse.

L’idée de la visualisation du son sera abandonnée par ceux qui allaient prendre sa place – réservée aux énarques. La mode sans mémoire affirmera, comme toujours, son droit. De là à franchir la frontière de l’Oubli, il n’y aura qu’un pas ! 

<>

- Tout ça n’est pas clair, dit le Coq-sans-crête, en foudroyant du regard le chef du service Sport qui venait de s’asseoir dans un des deux fauteuils austères, en cuir de synthèse et métal, placés devant le bureau directorial. J’ai appris qu’il serait question non pas d’un Marathon ou d’un pas Marathon, mais de quelques vrais post-caprices, notamment d’Oubli et de Souvenir. (pause) C’est grave. Important d’abord, grave ensuite. Est-ce que tu es au courant de ça ?

<>

La réponse n’arriva pas car, à l’instant même, tout à coup, la porte s’ouvrit et Rose Pinçon fit son apparition. Si la Naine-qui-pue était précédée de près par la puissante et lourde odeur nauséabonde de ses yeux, elle était suivie, en revanche par un autre Directeur Général.

- Un personnage terriblement volatil.

Un personnage qui, n’importe où ailleurs qu’à RFI, aurait été enveloppé dans l’aura de l’exceptionnel. – Ici, à RFI jouissait du surnom très agravitationnel mais fortement parlant de Sous-entendu.

Portrait.

C’est un vieillard arborant une expression d’opacité manifeste. Ingénieur de formation, il ne parle pas français mais, exclusivement une autre langue internationale.

- Sans circonspection ! Sans circoncision ! Sans discrétion !

Ainsi, RFI, dont le cahier de charges prévoit expressément la promotion du français, applique l’antithèse de la thèse et accomplit, en synthèse, une tâche encore plus importante que la diffusion du français:

- L’enracinement, l’entérinement dans le monde, de la terrible et célèbre exception culturelle française.

Le Sous-entendu finira sa carrière RFI-enne sans parvenir à parler la langue de Molière.

- Pas besoin !

Il quittera la peau francophone pour celle du Directeur de l’Agence pour le Sang6.

Ainsi va (et ira) le monde.

<>

- Pardon, mais c’est urgent et confidentiel, dit la Naine-qui-pue.

Le Directeur nommé Sous-entendu regarda – avec sous-entendu, naturellement – le chef du service Sport.

- Urgentissime et confidentialissime, ajouta la Naine-qui-pue.

- Oui, tu peux nous excuser ? se précipita le Coq-sans-crête.

Histoire de se montrer maître de sa territorialité. De son bureau.

- Je vous laisse, dit le chef de service en se levant de son fauteuil. Mais, avant de partir, je vais vous faire une suggestion, quand même, à tous les trois. Et peu importe qu’un d’entre vous ne comprendra rien de ces mots articulés en français.

L'ironie du chef de service avait quelque chose d'amère.

- Voilà, ce qui est dit ! continua-t-il. L’idée marathonienne mérite plus d’attention qu’on ne lui accorde. La perfection sera atteinte lorsqu’on pourra organiser des courses marathoniennes bi-solitaires. Je m’explique. Chaque coureur partira en solo. Soit à une date et une heure prévues d’avance, sans contact avec les autres coureurs. Soit sur un parcours en solo, particularisé, individualisé, tout à fait différent des ceux de ses concurrents. Pareil, un journaliste à mobylette,il lui sera attribué à lui seul, en solo. On pourra ainsi couvrir et recouvrir le globe dans son entier. Je veux dire, nous, RFI. C’est une hypothèse, une simple hypothèse de travail, évidement ! Mais quelle poésie !

En sortant, le chef de service se heurta contre Zakharias Cocâltãu. Celui-ci le photographia avec son regard dans lequel brillait une haine non-domestique.

- Qu’est-ce qu’ils ont aujourd’hui ? dit avec dépit le chef de service une fois que le dernier arrivés des Directeurs Généraux ferma derrière lui la porte du bureau du Coq-sans-crête.

- C’est cette histoire de Nomadie, répondit Virginie en faisant bouger un peu ses cuisses et ses fesse rondelettes sur sa chaise de secrétaire. Nomadie, c’est fou. C’est couru. Ou, du moins, ça rend fou !

Des hurlements de silence éclatèrent dans le bureau du Coq-sans-crête.

- Comme preuve ! dit la secrétaire.

- Quoi ? dit le chef de service en tendant l’oreille.

- Ça, dit Virginie. Ces hurlements.

- Quels hurlements ?

- Ceux-ci. Ce sont même des foudres. Des foudres de silence. C’est tout autre chose que du silence foudroyé. Tu vois pas ? Mais qu’est-ce que vous avez tous ? C’est ça que d’être secrétaire. Une bonne secrétaire. Ce n’est pas seulement d’avoir des fesses rondelettes et des jupes assez larges pour que le patron puisse te tripoter et bander lorsqu’il arrive au porte-jarretelles et à la petite culotte (si tu en portes). C’est aussi ça. Je dirais, surtout ça. Savoir entendre et écouter le silence du tonnerre, comme on dit. Ou le silence de la foudre. Ou des foudres de silence, comme maintenant. Ou rien du tout. En tout cas, c’est pas seulement les fesses rondelettes qui font une secrétaire. Elles n’ont rien à voir avec l’oubli et le souvenir, tu sais, mes fesses ? Or, c’est là le problème. C’est là le point névralgique. C’est là que ça bouillonne. Je te le dis, parce que je t’aime bien, toi. Et parce que je me sens, parce que je suis toute seule. Je fais une déprime, c’est clair. Mais, n’empêche, la réalité est là. Sais-tu qu’est-ce que la solitude secrétariale ? On parle souvent de la solitude du pouvoir. Mais celle du secrétariat ? ! Qui pour prendre en compte la souffrance des secrétaires enfermées dans leur silence contractuel ? ! Il est où le Christ du silence ? Je te le demande. Il est où ce Christ ? !

Le chef de service fit un signe de salut (ou de lassitude ?) avec sa main. Il sortit. C'était un homme abattu.

 

1 Selon les émanations déviantes d’une des machines à café de RFI, la Présidence continuait son commerce partout dans le monde, le cas échéant à Cotonou, au Bénin, où Elle s’était organisée une Mission bien Présidentielle. Le bruit du couloir soutenait qu’Elle y continuerait Son commerce – de fromage –, au sens propre. Elle vendrait du fromage. Voilà ! Toute la Maison aurait été au courant, au siège parisien ou parmi les correspondants et les ESP (Envoyés Spéciaux) à l'étranger. Les Tutelles aussi ; elles ne pouvaient pas ne pas l’être ! ! ! La Présidence avait une ferme dans le Poitou. On y fabriquait du chabichou. Elle faisait commerce avec ce chabichou – partout ; à RFI, comme, maintenant, à Cotonou. Mondialisation oblige. L’Afrique bénéficiait, donc, elle aussi et ainsi, du raffinement fromager de la Présidence.

- Une nouvelle appellation contrôlée risquait de voir bientôt le jour : le Chabichou international (ou mondial) de Cotonou.

De plus, ladite Présidence – très friande de voyages à l’étranger effectués aux frais de RFI, ce qui Lui avait valu le surnom de Madone des Aéroports – avait été aperçue, hier, avec quelques Noirs… Petits, ces Noirs. Très petits. « L’impérialisme » (sublimé en pédophilie, dans le cas caractérisé) « n’était pas encore éradiqué » ! On avait beau dire qu’on avait décolonisé le monde. Ce n’était pas vrai !

2 Toute personne qui se respecte doit pouvoir se vanter d’avoir une biographie. Toute personne qui se respecte doit y réfléchir, voire penser.

Mais biographie va avec âge. Il s’agit de gens qui « ont pris de la bouteille ». Ce n’est pas, évidemment, le cas des jeunes. Ledit Hamilcar Tabiste compris.

- Les jeunes n’ont pas de biographie, quoi qu’ils fassent !

À peine ont-ils quelques souvenirs. Leur passé (la biographie n’étant qu’une espèce détournée, altérée de passé) tient dans un mouchoir.

- C’est à dire, à côté de ce qu’on trouve dans un mouchoir, ricanent certains adultes rancuniers, partis, eux, sur la pente descendante, énervés par le gaspillage d’énergie des morveux qui croient savoir d’eux-même pourquoi, autour de quoi/qui et comment tourne ce monde.

 

3 Il est originaire de Neuvic en Creuse. Ses parents ont là-bas un élevage de coqs de pêche. L’élevage parental occupe mondialement la deuxième place, la première ayant été accaparée par les Américains. – Of course ! Toujours eux : les Ricains ! – On y élève des coqs très-très (et très !) sélectionnés, dont une partie du plumage sert à confectionner – pour ne pas dire : fabriquer ! – les plus belles mouches de pêche du monde.

L’élevage en question aurait influencé d’une manière décisive l’aspect-personnalité du futur Directeur Général – familièrement, DG – de RFI. Notamment, à sa sortie de l’ENA, le jeune homme, qui aurait pu présenter, comme la plupart des énarques, un aspect tout à fait inobservable, se distinguait par ses fesses en queue de coq et par son manque flamboyant de cheveux. – Les mauvaises langues se demandent – dans notre histoire – hypocritement s’il mangeait – et comment – des mouches, à l’instar de tous les coqs du monde, y compris ceux de l’élevage familial, producteurs de mouches, eux ! Mais c’est carrément des conneries.

C’est stupide.

C’est de l’inné.

C’est une qualité.

 

4 - Mais ce n’est pas lui, disent certains vieux meubles de la maison, des délabrés bien alcoolisés, herbeisés, shootés qui – tout en jouant le rôle de la Mémoire de la Maison – font augmenter la masse salariale comme ce n’est pas permis, mais seulement possible. Ce n’est pas lui !

- Et alors ? réplique sèchement mais vivement la masse salariale.

 

5Qu’on nous respecte, que la police, l’armée, les pompiers, les femmes, les parents, les grands-parents, les enfants, les petits enfants et les profs, les bouchers, les buralistes et les politiques, les prolétaires, les fermiers et les Américains, les fils-à-papa, les fils-de-pute et ceux qui prennent l’ascenseur-bus-train et ceux qui font de la parapente et les chauves poilus et tous les autres – que tout ça nous respecte et tout ira va très bien ! affirment les morvo-boutonneux ; vivaces, agiles et forts ; à peine touchés par le démon de la parole ; amassés dans les cages d'escalier des HLM ; fumant, sniffant, se shootant ; crachant par terre ; effrayant les autres avec leur parfait savoir-faire du non-savoir.

- Que l’on me digne, et tout ira très bien ! dit, sans le dire, le Coq-sans-crête, quant à lui.

Il est tout rengorgé – entièrement –, les fesses ébouriffées – intégralement.

 

6 - La Voix du Sang, dira à un certain moment une des machines à café de RFI, la Voix du Sang isole et assure l’espèce contre l’univers. La voix du Sang fait déborder les personnalités. Elle les étale dans des transfusions immenses. Dans des transmissions géantes. Dans une circulation à l’intérieur du noir chaud du corps qui prouve que le minéral et le chimique sont tout aussi vivants que le reste. La voix du Sang, c’est connu, est plus forte que toute autre voix – française ou pas française. – Pour ne pas parler de l’abyssale histoire du Sang Contaminé, si riche en enseignements !

 

 

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