Je veux un père mutant
Ce que j'aimerais ? C'est pas compliqué. J'aimerais avoir eu un père mutant. Un père trans. Trans-biologique. Trans-atomique. Trans-numérique. Trans-musical. Trans-psychique. Enfin, un père tout trans.
- Plus trans-Staline, trans-Hitler, trans-Mao.
Le mien a été l'enfant de cette triplette. L'enfant de l'Histoire, disons (même si c'est un peu présomptueux, arrogant, pompeux. Même si c'est du n'importe quoi, d'un autre côté.) Mais avec lui, avec mon père, l'Histoire, c'est fini.
- Il y a même des livres sur ça.
C'est fini tout ça. Histoire, proto-histoire, post-histoire ? Foutaises ! Mon père n'a pas été trans-historique, comme j'aurais voulu qu'il soit. Alors, j'aspire à combler ce manque. Devenir trans-historique. D'abord, trans-sexuel. Ensuite trans-historique.
J'en ai marre de mon appartenance bourgeoise, catholique, sexo-procréative. Je veux autre chose. Être autre chose. Tout autre. Un nouveau type d'être. Mes prédécesseurs proches, mon père, mon grand-père, voire mon arrière-grand-père ont tous joué la comédie de l'humiliation du mâle occidental. Ils ont aimé, de ce point de vue, la Grande Guerre. Ils ont ouvert les yeux. Les mâles y sont morts pour rien. Baignés dans leur peur, dans leur effroi, dans leur terreur. Dans leur excréments.
Quoi !
- Pour rire, peut-être, pour rire ?
Le rire vint après. Avec Hitler, Staline et Mao. Des super-mâles humains ceux-ci. De la super-masculinité, de la super-virilité, de la super-humanité. De la super-lumière masculine. De la virilité exacerbée.
Une parodie, on dirait, si ce n'était ces dizaines de millions de morts – à la clé. Ou surtout parce que.
Vu le nombre énorme de mâles crevés avec ou sans honneurs, avec ou sans têtes ou membres ou tripes ou couilles, avec ou sans masculinité, avec ou sans virilité, dans ces deux Guerres Mondiales, les femelles se sont révoltées contre leurs mecs humiliés, non-virils, émasculés. Tués.
Elles ont voulu – et réussi – prendre leur place dans moult domaines. Partout. Même dans la reproduction de l'espèce. Même là ! Même ici !
- Et pourquoi pas ?
On a apprivoisé l'âme. On l'a humanisée. On l'a habituée à la tolérance. On l'a affaissée.
Je ne veux plus de tout ça. J'aurais aimé que mon père soit un trans. J'aurais aimé que sa race, en voie de disparition, ne cède pas la place à la race féminine.
- À quelque chose d'autre, alors ?
Oui, voilà : À !
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