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  • : Alexandre Papilian
  • : Ne pas être seul dans la proximité de la création. - Partager ce qu'on peut partager pendant la lutte avec les ombres - pendant la danse avec. Personnalité(s) forte(s) et inconfondable(s), se faire intégrés dans des communautés riches en névrosées, bien intégrées dans le monde actuel.
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  • Alexandre Papilian
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !

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2 octobre 2010 6 02 /10 /octobre /2010 00:34

 

 

Œuf de fou

 

 

« Quelle est la différence entre nous et une maison de fous ? Eux, ils ont une direction lucide ! »

Blague audiovisuelle. 

 

« La folie de l’homme raisonnable est

anatomisée à fond par le clin d’œil du fou. » 

Shakespeare, Comme il vous plaira, II, 7 56-57

 

 

 

 

II

1

 

« On m’a donné ma chance. Depuis un petit moment, je suis le secrétaire particulier du ministre. C’est un travail de rêve. La preuve : la mission qu’on m’a confié maintenant. Très confidentielle.

« - Donc, illégale.

« Une mission qui m’amène à Paris.

« - Dans cette ville-lumière que non seulement tout nomadien mais toute personne civilisée (ou en cours de) rêve de voir un jour.

« Mon patron, Manele Nicolâyë, occupe actuellement le fauteuil des Affaires Étrangères et des Tribus de la Nomadie. Auparavant, lorsque l’actuelle opposition était au pouvoir, il fut ministre de la Culture et du Passé1. C’est à ces temps que remontent les liens privilégiés noués avec son homologue français de l’époque, le ministre de la Culture à Vie2. Liens précieux, peut être, pour le travail qui m’a été confié maintenant. En tout cas, dans leurs têtes culturo-ministerieles respectives, l'idée de devenir des Présidentes de leurs Républiques respectives (eh, bien, la Nomadie est elle aussi un république ; la France n'en détient pas le monopole, comme disait l'autre), cette idée donc était toujours présente. Même lorsqu'ils se rasaient ou pas, le matin3.

« Il est l'auteur d'un ouvrage très nomadisé consacré au caractères dorique, corinthien et ionien de l'esprit nomadien culturoïde traduit dans les actes culturophages, voire culturocides, propres à la Nomadie.

La Nomadie n'a pas un culture dans le propre du terme. Elle n'a pas une culture comme toutes les autres, c'est à dire, capable d'inventer des illusions destinées à devenir des repères. Par contre, elle métabolise la culture des autres. Elle a une bizarre capacité de consommer les cultures des autres et de les transmuer en déjections.

« Mais ce n’est pas le sujet. Le sujet c’est que je ne me sens pas à l’aise. Et c’est un euphémisme. Le moment est difficile. Pesant. Le contact, même indirect, avec ceux de la rédaction en langue méconnue rend fou. Déjà être nomadien n’est pas une entreprise trop simple, mais avoir affaire à des telles réalités, c’est trop pour un mortel.

<>

« Ce sont des spectres ! C’est comme l’image reflétée par un miroir qui reflète l’image reflétée par un miroir qui reflète l’image reflétée par un miroir qui reflète… et ainsi de suite. Il y a, je veux dire, quelque chose, un résidu de vrai – à la fin.

« - Mais jusque là…

<>

« Jusque là, je tapote et enregistre sur mon ordinateur ces quelques notes-portraits de ces parleurs de la langue méconnue. On ne me l'a pas encore demandé, mais je sais que certains de ces connaisseur en langue méconnue auront à jouer un rôle dans l'avenir proche.

«  De toute façon, je n'ai pas grand chose à faire autre, au présent. Au pire, je (me) construis un témoin silencieux, capable d’enregistrer mes performances. Sans pour autant rendre des comptes à personne.

« - De sorte que, s’il m’arrivait quelque chose, ce qui est loin d’être improbable – il nous arrive toujours une chose ou une autre, quelque chose, que l’on veuille ou/et (surtout ?) pas –, de sorte que l’on sache, donc, lorsqu’il m’arrivera quelque chose, le quoi, le pourquoi et le comment de la chose. »

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« Le premier qui me vient sur les touches du clavier de mon ordinateur c’est un homme de taille moyenne vers petite. Il a une tête ronde et des bourses de peau sous la mâchoire. C’est un rongeur tout aussi prêt de s’enfuir que d’attaquer4. On dirait qu’il vit au nom du rien. En tout cas, il a l’air d’un fonctionnaire appliqué, lui. Son dos voûté et sa serviette galeuse y sont pour quelque chose.

« Le suivant est grand, avec une tête de cafard. Il a décroché, Dieu sait quand et comment, un contrat chez un célèbre éditeur de cours des langues, pour publier un cours audiovisuel de langue méconnue, basé sur une méthode inconnue. Chose valable encore aujourd’hui ; c’est à dire que le cours n’a jamais été rendu public – c’est ainsi qu’on a préservé l’inconnu de la méthode, c’est ainsi qu’on a rendu la langue méconnue encore plus profonde et riche du point de vue méconnaissable5.

« La seule femme de cette rédaction est une blondasse d’un certain âge. Pute jusqu’à l’os. Jusqu’à la moelle.

« - Cytoplasmique.

« Elle s’habille parfois ‘en gouttière’. Notamment avec des blouses, vestes, jupes, robes, parkas et pantalons brillant comme le zinc des gouttières. En rouge flamboyant, parfois. Parfois en noir aveuglant et en or éblouissant. Elle s’ennuie affreusement et tremble à l’idée qu’elle pourrait être attrapée par la mort6. Veuve, elle a hérité pas mal d’argent. Mais elle tient à être active. Dans sa conception cela veut dire être journaliste.

« - Elle est très talentueuse dans la pratique du tissu en soie – de préférence bordeaux ou turquoise – enfoncé dans le cul du partenaire, qu’on fait sortir lentement pendant. L’odeur et le goût de ce tissu, cette odeur et ce goût, la font se pâmer.

« Le suivant c’est quelqu’un qui est l’appendice de son propre nez. D’une homosexualité très banale et ennuyeuse, il est d’une origine plus que modeste et il affiche un regard dur, d’orphelin maltraité lors des viols fréquents, peut-être même permanents7. Il affirme, que, à l’instar des légionnaires folkloriques, il aurait baisé des chèvres… Il craint sauvagement les courants d’air. Il se lave une fois par mois, peut-être même pas.

« Le poète, ensuite. Un visionnaire. Il est rongé par une extension de sa calvitie, qui le rend chauve de tout autre attribut humain8.

« Le réalisateur des films, après. Celui-ci est refusé par tout producteur qui veut survivre9. Il a vu ses cordes vocales envahies dernièrement par des milliers des petits polypes douloureux, chacun s’exprimant d’une manière particulière, ce qui, finalement, donne une cacophonie parfaite qui passe à merveille au micro spécifique des émissions en langue méconnue.

« Le cacophone a comme ami, membre de la même rédaction, une espèce de bâton à qui on a entaillé à un de ses bouts des dents, des oreilles et des yeux de lapin, et à l’autre une tronche lombricoïde. Transpirant de la bêtise à l’état pur, en manque de tout repère moral et de personnalité, ce dernier offre à son ami, le réalisateur cacophone, sa propre femme, pour que son ami leur fasse, à tous les deux, à sa femme et à lui (et tant pis pour la sémantique et pour le sens !), des enfants tout aussi cacophones, dépourvus de talent et surtout de caractère que le géniteur-réalisateur-cacophone même10.

« Enfin, le chef de la rédaction en langue méconnue. Un roquet qui vide deux bouteilles de whisky bon marché par jour et qui fume pendant tout ce temps sans discontinuer11. Mal rasé la plupart du temps, il cache une éruption bubonique. Il s’est vu retirer l’œsophage, l’estomac et les deux intestins, suite à un cancer ; son rectum a été étiré et attaché au pharynx.

« - Aujourd’hui, entre le moment où il ingurgite et celui où il chie il n’y a aucune durée.

« Il mange et chie en même temps. »

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« En parallèle, je dois m’occuper d’une certaine Muguette Glande (pour un nom, s'en est un !) et de son mari, Ică, le patron des Langues de RFI. Ainsi que d'un certain Stroë, toujours de RFI.

« Dans la caravane de notre ambassade à Paris12 je réfléchi à tout ça, en essayant de maîtriser mes accès de haine, de furie mais aussi ceux de tendresse, douceur et autres pulsions crétinisantes, de trouver ma propre voie, de me faufiler parmi tous les pièges, embuscades ou guets-apens imaginés par les services spéciaux de tant de pays qui se confrontent en se heurtant ou en s’imbriquant dans cette merveilleuse ville-lumière, Paris. »

 


1 « Sa performance a été dépassée uniquement par un ministre français, qui, a occupé non seulement le poste de ministre de la culture ou celui des affaires extérieures, mais aussi celui de la santé. Ce qui laisse songeur celui qui a le temps de réfléchir à qu'est-ce qu'un ministre et à comment arrive-t-il en être... un. Ou plusieurs. »

 

2 « Une exception culturelle française, certes.

« - Encore une. »

 

3 « D’une certaine manière, ils sont une sorte de Barbara au masculin. Voir l'exégèse parue avant le Grand Caprice, consacrée à Barbara et à ce que cela veut dire. – Ou, à défaut, saisir le moment où on reviendra, même si sommairement, sur le sujet. »

4 « Il a une femme tout aussi myope que lui, qui fait du baby-sitting, du ménage et qui partage sans discontinuité le lit de son rat, en écartant ses cuisses à la commande et en préparant des plats absolument oubliables. Elle peint, pendant ses longs moments de solitude, des choses inachetables, voire imontrables. Quant à lui, il écrit des textes éducatifs qu’il présente comme des pièces de théâtre subventionnables. »

 

5 « Il méprise profondément tous ses camarades, ses collègues, le monde, Dieu – au profit de soi-même. Il est marié à quelque chose d’hydrocéphale, qui gagne huit fois plus que lui en trafiquant sur Internet des traductions en langues connues ; ce qui apporte au ménage une stabilité financière enviable et à lui-même, avec sa tête de cafard narcissique, un calme avoisinant l’insouciance des cancres dépourvus de toute utilité. »

6 « Elle s’entête à occuper un poste à RFI. Elle ne donne pas leur chance aux dizaines des dizaines de malins qui font le siège de la rédaction, qui estiment avoir découvert l’endroit idéal où ils pourraient afficher, dérouler, nourrir, arroser et faire épanouir toutes leurs incompétences. »

 

7«  « Il donne l’impression d’avoir été recruté, dans sa jeunesse, dans son enfance – voire avant – par des services de renseignements étrangers. Il se fixe comme repère la capacité de compréhension de sa pauvre mère et décrète qu’une émission est bonne si et seulement si sa mère, d’origine encore plus modeste que la sienne, pouvait la comprendre. – Cela étant, il fabrique des émissions pour la jeunesse. Il s’entoure toujours par des jeunes éphèbes de sa race. »

 

8 « Il lui reste l’essence de ce qui est le plus soupçonneux, narcissique, porno et parano dans le poétique. Il aime les jeunes filles inexpérimentées. Il aime les ensemencer et se faire quitter par elles. Il trouve que la souffrance infligée par ces exemplaires humains féminins prouve que ses propres qualités, qui l'altérise en le laissant en contact avec Dieu seul, sont véritablement poétiques. Il est maudit.

« - Un, cas unique.

« - Unique, car un.

« - Poète. »

 

9 « De temps en temps, il réussit, néanmoins, à ruiner des petites maisons de production ou des troupes d’artistes de la rue, notamment des 'intermittents du spectacle'. « Les susdits intermittents du spectacle sont une sous-race française en voie de développement galopante à qui, parmi d’autres, on doit la fameuse exception culturelle française.

« - La chose ne peut pas être dite à haute voix ; d’où sa présence dans cette simple note. »

 

10 « Je me demande, pourtant, comment faisait-il, le cacophone, car, à l’occasion d’un procès de paternité qu’il a eu à un moment donné dans sa vie, il a fourni trois attestations médicales comme quoi il serait stérile. »

 

11 « Il est super terriblement maigre, presque transparent. (Il avale une fois par jour le même sandwich enveloppé dans du papier alu, et la même canette de bière. Il affirme ne pas être radin mais seulement sage.) Il se considère intégré à la classe dirigeante, politique, dont les composantes estiment partout dans le monde que leur existence mérite être consignée au moins dans des livres biographiques sinon dans des romans. »

12 « Paris, grande capitale du monde. C’est pour ça que je peux parler d’une caravane. Ailleurs, nous n’avons que des roulottes, des petites remorques, des poussettes, des vélos ou même rien ; je veux dire, comme ambassade. »

 

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