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  • : Alexandre Papilian
  • : Ne pas être seul dans la proximité de la création. - Partager ce qu'on peut partager pendant la lutte avec les ombres - pendant la danse avec. Personnalité(s) forte(s) et inconfondable(s), se faire intégrés dans des communautés riches en névrosées, bien intégrées dans le monde actuel.
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  • Alexandre Papilian
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !
  • Ecrivain et journaliste franco-roumain. Le sarcasme dépasse de loin la tendresse qui,elle, reste un voeu créateur de nostalgie. Volilà !

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5 juin 2018 2 05 /06 /juin /2018 08:27
 
 
 
                                  Monte-Cristo
 
 
     Je retourne sur une des îles de ma mémoire. Je suis jeune. Je n'ai que douze ans. Je suis la fille de mon père. (Et, accessoirement, de ma mère.)
     Je suis interdite du Comte de Monte-Cristo. Je n'ai pas le droit de lire ce roman – à cause du sentiment de vengeance. Mon père n'est pas d'accord que mon adolescence soit « polluée » par de tels sentiments. L'induction de la vengeance, par la littérature l’horrifie.
     Donc, niet ! Le Comte de Monte-Cristo ne sera pas lu par sa fille. Et tant pis pour la perte spirituelle de ma génération !
Bien entendu, je lu le livre en cachet. Presque tout de suite après l'injonction paternelle. Je le caché à l'école, dans mon casier, et je l'ai lu pendant les recrées et lors des heures d'études ou de colles.
     Il ne m'a pas plu. D'ailleurs, je ne comprenais pas tout. Les trucs financiers de l'époque, le Procureur du Roi, l'impossible évasion de Dantès, héritier de l'abbé Faria, l'impossible transformation de Dantès en de Monte-Cristo et toute ce charabia, n'avait plus rien à faire avec notre vie pleine de Iphones, tablettes et leurs précurseurs.
     Et de surcroît, le sentiment de vengeance nourri par Monte-Cristo, me paraissait et me paraît toujours, une sorte d'extravagance historique. Ça n'existe pas une telle vengeance. Non seulement qu'elle est impossible en réalité, mais elle est inutile.
      Mon vieux, donc, était vraiment vieux, du moment où il pouvait croire que son enfant pourrait encore vivre une vengeance malfaisante à la Monte-Cristo. Il était vieux aussi parce qu'il s'imaginait qu'une interdiction de type autodafé pourrait être respectée. Toujours vieux quant aux résultats positifs escomptés. Vieux toujours, en s'imaginant que je comprendrai le bien contenu dans le mal de sa décision.
Finalement, je m'en fiche. J'ai lu le livre en cachet. Pas plu. Ni plus tard, quand je le repris, pour essayer de mieux comprendre l'esprit paternel. Il me tombait des mains, le livre.
     Oust !
     Ce qui m'est venu par contre dans l'esprit, c'était une interrogation concernant le patriarche.
     Notamment : qu'est-ce qu’il a fait, lui, ou qu'est-ce qu'on lui avait été fait pour qu'il prenne une telle mesure radicale, vécue par moi comme une mesure méchante, lorsqu'elle n'était que ridicule ? 
 
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3 juin 2018 7 03 /06 /juin /2018 08:27
 
 
 
Besoin d'aura
 
 
     Elle me regarde ardemment et métalliquement. Ses paupières sont à moitié fermées. Les éclats de ses yeux sont coupants, tueurs. Elle n'est pas bien, dernièrement. Je ne sais pas si ce sont mes hésitations qui l'inquiètent, ou autre chose.
     Je n'y suis pour rien.
     - La gendarmerie me convient parfaitement.
    Jeune, très jeune encore, je suis envoyé là où on a besoin d'interventions ponctuelles. Paris, Lyon ou les DOM-TOM, d'habitude. Mais aussi les émeutes imprévues d'ailleurs.
Elle veut que je me marie et que je me stabilise. Ici, près d'elle, bien entendu. Elle ne supportera pas que j'aille en Nouvelle Calédonie ou dans les Îles ou à La Réunion... Il faut qu'elle puisse me voir quand l'envie lui prend. C'est à dire tous les jours. Je suis son fils. Son fils unique.  Pas question, en tout cas, que je lui échappe. Pas question que je m'échappe.
     Maintenant, après avoir mangé (trop), attablée en face de moi, elle essaye de me tirer les vers du nez. L'arôme du café au rhum exhale de tasses. Je suis un peu étourdi. Comme souvent quand je viens manger chez elle. Nous fumons tous les deux. Finalement, c'est pas trop mal. Je dirais même plus. Ce n'est pas si mal. C'est même bien.
     J'ai envie de faire la sieste. Il fait beau dehors. Par la fenêtre ouverte, la brise de la montagne apporte un parfum de miel. Je ne sais pas si c'est vrai. Mon impression est vraie, elle. Donc, un parfum de miel.
     Elle me dit qu'au marché, elle a été arrêtée par une bonne femme qui lui aurait dit qu'elle était très bien, que de son aura émanait du bonheur.
     Ses yeux métalliques essaient de me clouer. Elle est indiscrète et violente. On pourrait croire qu'elle veut savoir ce que je pense. Mais ce n'est pas vrai. Elle s'en fout. Absolument. Elle veut me faire comprendre qu'elle est forte. Elle veut me faire comprendre qu'elle sait beaucoup de choses. Elle veut me faire comprendre que le monde lui reconnaît beaucoup de vertus. Des vertus que moi, comme un poussin idiot, ne serais pas capable de capter.
     Il y a deux, trois semaines, elle m'a raconté comment elle s'était fait draguer par un type dans une super voiture. Il lui avait demandé combien elle prenait pour lui tailler une pipe. Pour lui, elle était une pute. Et cela lui faisait plaisir.
     - Je ne sais pas pourquoi. 
     Et maintenant, on était informé qu'elle avait une aura. Rayonnante. Bienheureuse.
     Elle me regarde ardemment, métalliquement. À travers son aura. Derrière son aura.
     J'ai envie de faire ma sieste. Une petite sieste.
     - Une toute petite.
 
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2 juin 2018 6 02 /06 /juin /2018 07:13
 
 
 
                         Il est dur que d'être jeune
 
 
     - Allô, papa ?
     Il est quatre heures du matin.
     - Oui ma puce.
     J'essaie de ne pas paniquer. Mais comment ne pas paniquer pourtant à quatre heures du matin lorsque ta fille, Véro (dix-huit ans la veille), t'appelle de l'extérieur ?
     -T'es où ?
     - Au Lido.
     Vu. Elle a du goût, ma fille. Le Lido c'est très bien. Lorsqu'on était jeunes, Lili et moi, nous nous y rendions assez souvent... Maintenant, c'est le tour de nos rejetons.
     - Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
     - Tu peux venir me chercher ?
     - À cette heure-ci ?
     - La police est venue et a embarqué Vladimir.
     - Embarqué ?
     - Mais je n'ai rien fait, moi. 
     - Bon, j'arrive.
     Je ne sais pas ce qu'ils ont fait, mais ce n'est pas bon. De toute évidence. Heureusement, c'est arrivé après l'anniversaire de Véro. Sinon, les mineurs dans une boîte de nuit...
     - Qu'est-ce qu'il y a ?
     Lili parle à peine. Sans trop se fatiguer. Elle dort encore. Notre lit sent bon. C'est la lessive. Plus les gels douche. Plus les crèmes de nuit de Lili.
     - Je vais la chercher.
     La voiture est dans la rue. Encore un peu et je me retrouve dans la voiture qui est dans la rue. Ensuite, encore un peu et la voiture qui est dans la rue et moi, dans la voiture qui est dans la rue, nous nous arrêtons devant le Lido.
     Quatre heures vingt. Véro est invisible. Je sors de la voiture et je regarde à droite et à gauche. Dans la rue il n'y a que le froid. Un froid humide de février. L'enseigne de la boîte clignote comme ça, toute seule. Lido – Lido – Lido.
     - Pour moi.  
     La voilà ! Véro se dirige vers moi en courant. Je ne sais pas d'où elle sort, mais ce n'est pas de la boîte. En tout cas, je ne l'avais pas vue sortir de là.
     Nous montons dans la voiture. Je démarre le moteur et j'attends des explications. Le chauffage fonctionne.
     Véro porte un jeans, un haut lilas, une veste en cuir bordeaux, serrée. Pas trop de bijoux. Mais pas peu non plus. Au cou, aux poignets, dans les cheveux.
     - Alors ?  
     Il se serait énervé, Vladimir. Sous prétexte que Véro se serait fait – et laissée – draguer par Jimmy. C'était un noir. Mais ce n'était pas le problème. Le problème c'était le noir qui régnait dans la boîte. Qui rendait les choses invisibles. Mais elle n'avait rien fait. Or Vladimir se serait fâché pour rien. Il s'est énervé. Sans rien voir dans ce noir-là. Il est sorti dans la rue et il a arraché deux rétroviseurs des voitures stationnées dans la rue. Les videurs sont intervenus. L'ont maîtrisé. Ont appelé les flics. L'ont fait entrer, elle, à l'intérieur, pour que les flics ne l'embarquent pas elle aussi. Mais elle n'avait rien fait. Rien. Ni avec Jimmy, ni plus tard. Et Vlady (Vladimir, ben voyons) s'est énervé comme ça, pour rien.
     - Il est jaloux.   
     Véronique sourit avec un fin mais certain orgueil. Elle regarde son téléphone qui vibre.
     - Ils l'ont relâché.
     Pourrions-nous aller au Commissariat le chercher ? Ensuite ils prendront un taxi. Ou, pouvais-je, moi, les emmener chez Vladimir ? Je peux ? Je peux ?
     - Oh, merci papa chéri-chéri.
     Elle n'avait rien fait. Rien. Et tout le monde s'est agité comme ça, à partir du rien. Avec Jimmy, Vlady, les videurs, les flics – et tout !
     - Oh là là, que c'est dur que d'être jeune !
     Oh là là. Je te jure. Dur-dur. Trop.
     Dur.
 
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30 mai 2018 3 30 /05 /mai /2018 07:45
 
 
 
Tous les mecs sont des salauds
 
 
     Je le sais. Je le sais depuis longtemps. Depuis toujours peut-être. Et même plus. Ils sont tous des salauds. C'est de naissance. C'est dans leur nature. Laurent ne fait pas exception. Pourquoi en ferait-il ?
     Comme toutes les mères juives, je trouve que mon fils est le nec plus ultra des mecs. C'est à dire beau, joyeux, intelligent, charmant, toujours et toujours vainqueur mais jamais et jamais pleinement conscient de son propre intérêt, toujours et toujours sur le bord de la catastrophe.
     Il a une femme comme toutes les femmes. Belle (sans trop ; elle n'attire pas les bourdons), calme et douce, intelligente et soumise... Une fleur. Modeste, mais belle. Une fleur.
     Maintenant elle s'est mise à faire un enfant à Laurent. Si je ne suis pas morte de bonheur c'est parce que le miracle existe.
     Mais, problème ! Les choses ne vont pas comme il faut entre eux. Laurent, comme tous les mecs, n'est qu'un salaud. Un salaud qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Ou, plutôt, pas plus loin que le bout de son zizi. Il ne voit pas son intérêt, sont vrai intérêt. Notre monde est régi par une loi tantôt masculine, tantôt féminine. Bref une loi masculine-féminine. Si un mec regarde trop d'après les nanas, c'est pas bien ; mais s'il ne regarde pas, c'est pas bien non plus. Laurent est porté par le temps du regard. Il regarde d'après les nanas et elles le lorgnent aussi. Je pense qu'il y a trop de femme dans notre société, dans notre monde. D'ailleurs, ça se voit un peu partout. Elles ont conquis presque tout le pouvoir dans la société. Tout le pouvoir de la société. Tout le pouvoir du monde. Je trouve ça compliqué mais bien. Néanmoins, il faut savoir raison gardée.   
     C'est dans les gènes des hommes que d'être des salauds. De baiser tout le temps, avec ou sans le plaisir de la femme. Plutôt sans. Mais que Dieu le Grand la garde, la femme, si elle marchait à côté ! Elle doit se soumettre, se contenter de faire des enfants, beaucoup, tous les enfants du monde. Et que je te prépare les repas festifs. Et que je t'épaule lorsqu'on n'a pas obtenu l'avancement visé. Ou lorsqu'on frôle la ruine économique et/ou sociale de la famille...
     J'en fais partie, certainement. Mais cela ne m'empêche de voir la réalité en face.
     Laurent s'est trouvé une pouffiasse pour la sauter. Il est assez aveuglé par l'asphalteuse qui se les écarte pour lui. Je l'ai vue deux fois, tout à fait par hasard. Elle n'est pas mal, mais elle se pomponne trop. Elle veut plaire. Non seulement à Laurent, mais au monde des hommes, de tous les hommes. Et du coup, snober les femmes. Une salope ! Elle fait pitié ! Il y a des femmes comme ça. Je le sais par propre expérience.  Je sais aussi que l'homme peut se laisser envoûter par les sirènes plus ou moins horizontales.
     Mon problème n'est pas Laurent, pour autant, mais Leila. Elle ne mérite pas un tel Laurent. Elle souffre, je le vois bien. Un petit moineau endolori. Elle souffre beaucoup. Mais lui, le salaud, continue d'aller voir ailleurs, de voir la traînée. Quelle race de femme peut faire ceci à une de ses consœurs qui attend un enfant ?
     Il ne voit pas, l'idiot, qu'il ne trouvera pas une autre Leila. Il ne voit pas que l'autre, prête à prendre l'homme d'une autre, ne peut être qu'une pute, une traînée, une morue. Elle ne peut pas faire le bonheur d'un homme et de sa famille.
Je ne sais pas quoi faire. Je ne crois pas pouvoir diriger Laurent. Pour lui je suis sa maman, certainement. Sa maman, c'est à dire, une femme. Un être pas vraiment supérieur.  Même si je suis sa mère, je suis la mère d'un salaud. Pauvre Leila ! Il va la perdre ma petite bru, le malheureux !
 
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28 mai 2018 1 28 /05 /mai /2018 07:58
 
 
Gang
 
 
     Huit années de prison. Cinq enfants placés. Je n'ai rien à foutre d'eux. De leurs pères encore moins. Des bites qui répandent du sperme et qui touchent mon clitoris en le faisant vibrer. Et puis plus rien. Eux, ils s'évaporent de leur côté, pour trouver leurs drogues à sniffer et à dealer. Moi, de l'autre côté, et s'il se trouve pour la même drogue...
     Les enfants, moi non, je n'ai pas envie de les voir. À quoi bon ? Ils ne me reconnaîtront même pas. Moi non plus, je ne les reconnaîtrai pas. Ou, s'il se trouve que si, ils auront le crâne bourré de merde. Bourré de ce que les autres leur auront mis dedans. Ils ne pourront pas m'aimer. Ni me respecter. Ils ne savent pas qui je suis. Comme tous les autres, d'ailleurs. Non, non. Je les ai abandonnés, diront-ils. J'encombrerais leur vie. Sans leur donner quelque chose en échange. Mes années de prisons mis à part.
     Ma vie ne se développe plus, elle s'écoule. Comme ça – sans « ça ».
     Je n'aime pas travailler. Qui peut aimer travailler ? Les connards. Les pigeons.
     Les pigeons sont faits pour qu'on les déplume. Qu'ils travaillent, alors. Pour qu'on les déplume. Ils doivent payer leur droit d'exister. Pour eux, l'existence existe. En tout cas, ça compte, l'existence – pour eux. Ça compte tellement, qu'ils n'osent même pas appeler les flics quand on leur fait les poches. Ou plus. Quand on leur demande de payer leur dîme. Ils savent qu'ils resteront seuls après. Seuls avec nous. Pour eux, la police n'est que trop inutile.
     Pour nous, par contre, les flics sont plus que nécessaires. Sinon, tout le monde pourrait monter des gangs. Même les pigeons. Les politiques, les banquiers, les toubibs, les pompiers, et même la flicaille, le blacks, les jaunes, les patrons, les syndicats et tout ça, ne sont que des bandes, des bandes et encore des bandes.
     Quand on va punir ceux ou celles qui ne respectent pas notre territoire, la police pourra être utile si les autres étaient plus forts. Ou plus fortes. Vu que les gangs de nanas commencent à exister et à se faire exister. Les flics, que l'on connaît plus que bien, peuvent nous éviter la mort. Que ce soit chez les autres ou chez nous.
     Une vie sans flics, c'est pas possible.
     Sans prisons, non plus.
     Les flics, c'est bien. Les prisons, aussi.
     Les mecs, de temps en temps.
     Les enfants jamais. Ou, peut-être, plus tard. Lorsqu'il sera trop tard.
 
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22 mai 2018 2 22 /05 /mai /2018 07:19

 

S'il vous plaît !

 

 

     Du coup, je me suis vue de l'extérieur. C'était moi qui regardais – et c'était moi qui étais regardée. Je me regardais moi-même. Ce qui est absolument impossible. Étrange, non ? Pourtant, j'avais entendu dire que ça existe. « Décorporation » que ça s'appellerait. Mais je n'ai jamais eu l'occasion de le vérifier, de la... vivre.

     - Maintenant, voilà, c'est fait.

     Je vis cette extériorisation. Nous nous trouvons dans le parc du Château de Versailles.

     - Que je n'arrive pas à intérioriser, ni à assumer, ni à ... vivre.

     Nous, c'est à dire ce qu'il (me) reste de ma famille. Ce qu'il nous reste.

     Je suis la plus vieille de tous. Les autres sont les trois générations d'après. Mes enfants, avec leurs épouses et époux, leurs enfants et petits-enfants (en poussette).

     - Et moi.

     Je suis la Matriarche. Ils me fatiguent. Ils continuent ce que je n'ai pas terminé.

     Le parc est ensoleillé. Nous nous trouvons aux environs du Trianon. C'est très agréable. L'atmosphère est dorée. L'automne commencera bientôt. C'est au 15 Août qu'on y bascule. Le jour de l'Assomption, autrement dit.

     Ils jouent avec pas moins de quatre ballons. Nous avançons vers la Ferme de la Reine et nous échangeons des passes de ballons.

     - Quatre.

     Et alors ? C'est bien. Les petits courent à droite et à gauche et frappent les ballons avec leurs pieds, jambes, mains, têtes, poitrines. Je suis émerveillée. L'invention de la jambe et du pied est miraculeuse et mystérieuse. Plus encore que celle de la main et du bras. La chose est plus évidente lorsqu'elle est révélée par des enfants.

     - C'est le cas.

     Les mouvements de leurs membres douillets et légers (des ressorts qui les poussent vers le haut, comme s'ils voulaient prendre leur envol) me font rajeunir. Exit la vieille voûtée et lente dont on doit prendre soin. Exit la Mamie bienveillante et indulgente. Exit l'aïeule souriante et sage. Exit la surannée sereine et joyeuse. Exit l'Inconnue regardant secrètement et silencieusement vers le pays des ténèbres...

     Tout ça n'est plus que de l'air. Peut-être, même pas. Ça n'existe pas. Ça n'a jamais existé.

    On court. On, c'est à dire, moi. Je cours vers un ballon tombé dans une espèce de noue dont on vient de tondre l'herbe...

     Maman, non ! Mamie, non ! Maman, Mamie, non, non ! Fais attention ! Non ! Non !

     Je n'aime pas ces regards posés sur moi. Ces condamnations instinctives. Ni l'amour qui y perdure. Je me vois toujours de l'extérieur, capable de courir d'après le ballon.

     Vraiment ? Serait-ce possible ?

     - Serait-il possible, s'il vous plaît ? !

     S'il vous plaît ! S'il vous plaît !

 

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17 mai 2018 4 17 /05 /mai /2018 08:42

 

 

Songe de fou

 

 

     Je fais l'amour à Astrid. Il est midi. Le soleil brille et brûle. La chambre, lumineuse, est riche en meubles et couleurs. Du lux. Astrid est riche. Elle m'aime.

     J'ai mis les jambes de Astrid sur mes épaules. Je lui demande de regarder le va-et-vient de mon sexe dans le sien. Elle soulève la tête. Sa crinière rouge atteint ma poitrine, mon ventre. Ça lui plaît. Se laisse tomber sur l'oreiller. Soupir chaud, abandonné. Regard profond, total.

     Je capte une petite présence en hauteur, à droite, à la jonction tridimensionnelle des murs avec le plafond. Une présence, une attente. Un petit rire en argent.

     Le regard de Astrid devient encore plus profond et doux.

     Ses mains caressent mes fesses. Puis, ses bras se mettent autour de mon cou. Je descends la tête. Je lui ouvre la bouche avec ma langue. On se touche les langues. On fusionne.

     Je me dédouble. Je me retrouve à l'intérieur de la petite présence au coin du plafond, à l'intérieur de son rire en argent. Dans les tripes d'une joie intense et incendiaire, sans fin.

     J'y retrouve une autre joie, tout aussi immense et infinie que la mienne, un rire tout aussi béat que le mien.

     Astrid. C'est elle.

     C'est nous en fusion/apothéose.

     Nous planons hors du temps.

     Et zoup !, nous nous séparons. Sans déchirure. Bienheureux. Nous retrouvons tout en riant nos deux corps enlacés !

     En tant que présences totales, nous savons que ce sont des futurs parents ceux qui soupirent, gémissent, rient. Qui nous fondent. Qui rient à nous. Nous perçons, nous foudroyons et soudons les corps enlacés. Nous pénétrons et distillons leurs songes qui rétrécissent, s'unissent et se renforcent dans un « nous » devenu « moi ».

     Dès lors une force terrible me fait sortir du rêve pour me jeter dans la réalité du lit où je dors à côté de Astrid, ou, au contraire, où elle m'extrait de la réalité terre-à-terre pour m'enfermer et me digérer dans un songe ou dans la folie.

     Je tairai toute cette histoire. Peu de gens la comprendraient. Voire personne. On ne comprend pas la réalité, ni la folie. Ni la beauté. Ni le bien. Ni l'enfant à naître. Ni la vie.

 

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14 mai 2018 1 14 /05 /mai /2018 07:17

 

 

À foutre !

 

 

     Je les ai vus. Je ne dirais pas « surpris », car je n'ai pas bronché. Ils ne s'en sont même pas rendu compte. Mais ils se cachaient. Ils savaient ce qu'ils faisaient.

     - Je ne sais pas quoi faire.

     J'ai trop senti. J'ai senti trop. J'ai senti leur besoin de tendresse. Leur besoin de transgression, de péché, de plaisir interdit. Leur besoin de révolte, de fraternité, oui, de fraternité.

     - Qu'est-ce que frère-et-sœur veut dire ?

     Ils ont voulu capter, comprendre, savoir. Moins le dire et plus le faire.

     Ils avaient l'air de vouloir nous exclure, nous autres.

     - Pas tout à fait, pourtant.

     Et pour cause. Je me trouvais dedans, à l'intérieur de chacun, mais aussi entre eux, à l'intérieur de leur désordre commun. J'étais avec eux. Muet. À l'aveugle. Au lance-flamme. Au déluge.

     Ils avaient l'air, eux, de vouloir capter les différences entre homme et femme, et frère et sœur. Sortis des ovules et des spermatozoïdes différents, mais du même ventre, ils ont voulu saisir les liens contradictoires qui les définissaient. S'entre-pénétrer comme des amants maudits et heureux.

     Ma tendre jeunesse m'est revenue brusquement dans la mémoire, comme un flash trop puissant :

     - Mon frère aîné m'instruisant.

     Nous ne sommes pas devenus homosexuels. Ni bisexuels. Nous sommes devenus des frères-plus. Nous nous regardions l'un l'autre. Des regards muets. Mais ô combien expressifs. Des frissons. Des sourires cachés sous des grimaces. Des doigts désespérément entrelacés, désespérément amoureux, désespérément séparateurs, désespérément désespérés. Nous étions seuls et pas seuls. Nous étions avec nous. Avec notre découverte de tendresse et de pouvoir réciproque. De l'inter-pouvoir. De l'intra-pouvoir. Du pouvoir, quoi ! De la transgression tout aussi céleste qu'infernale.

     Je pense que je vais me taire. À leur sujet, indeed. L'idée de l'inceste ne doit pas être touchée. D'autant moins animée. Ni ranimée. Y a du souffre. Elle est sulfureuse. Elle est dangereuse. Plus encore que l'inceste lui-même.

     - D'ailleurs, c'est quoi l'inceste ?

     Et même si j’étais un grand-père détraqué, aujourd'hui, pervers et je ne sais pas encore quoi et comment, de quoi je me mêlerais ? Qu'est-ce qu'en on aurait à foutre ?

     À foutre !

 

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9 mai 2018 3 09 /05 /mai /2018 07:24
 
 
Deux femmes plus une
 
 
     Non, mais écoutez ce qu'il m'est arrivé. C'est pas banal.
Il y a quelques années, je me suis lié d’amitié avec Aude et France, un couple de lesbiennes. Enfin, quatre-vingt-quinze pour cent lesbiennes. Lorsqu'on se soûlait bien-bien-bien, il nous arrivait d'outre-passer le lesbianisme pur et dur, en se laissant aller sur la pente traditionnelle ou, enfin, presque : on a bien partouzé parfois selon un rite SM spécial, sans pénétration vaginale.
     Notre amitié fut tellement grande et serrée, qu'à un moment donné (dont la lucidité reste à prouver), nous décidâmes de faire des enfants. Mais sans copuler. Sans transgresser leur lesbianisme. En l'occurrence, nous utilisâmes mon sperme – pour fertiliser autant Aude que France.
     - Ceci fut leur affaire.
     À vrai dire.
     Nous fîmes un voyage aux Antipodes, en Australie. On y préleva mon sperme (une seule fois) et on fit le nécessaire (deux fois). Ce qui resta de mon précieux mucus fertilisant fut gardé sous forme de paillettes congelées. Tout ça pour deux cent mille dollars australiens payés par l'heureux couple et pas du tout par le troisième membre du trouple (moi !). J'étais l'invité.
     Neuf mois après et à quelques jours distance, deux garçons portant mes gênes vinrent au monde.
France et Aude commencèrent à me mettre la pression.
     - Il faut casser notre groupe.
     La situation risquait de devenir trop compliquée. Autant en ce qui nous concernait, que pour les jeunes âmes...
     - Chose faite.
     Nous cassâmes notre petite famille qui n'en était pas une.
     - Sans que j’eusse mon mot à dire. 
     D'ailleurs, je n'y tenais pas trop. Les deux garçons n'étaient pas les miens. Ils étaient les leurs. La partie poétique, s'il y en avait une, était trop fine pour moi. Pour moi, justement, la chose commençait à devenir pesante. Je fus très soulagé lorsque les deux mères me firent connaître leurs... sentences.
Bon. Tout ça c’est beau et bien. Seulement, voilà, Aude et France se sont séparées, il y a peu de temps.
     Plus précisément, Aude se trouva une autre France, Marcellina, de son prénom. Une italienne de quinze ans sa cadette, très jolie, drôle et surtout, très baisable. 
     - Enfin, c'est l'impression de Jupiter, mon sexe.  
     Le nouveau couple se dit qu'il serait bien que Marcellina ait à son tour un enfant. Et qu'il serait encore mieux que cet enfant fut fabriqué à partir du même sperme que les deux autres.
     - Le mien.
     Le « conseil de famille » ne se déroula pourtant pas trop bien. France trouva l'idée indécente, voire abjecte. Elle y opposa son veto. Moi, lâchement, je me défaussai sur l'impersonnalité de mes spermatozoïdes.
     - Aude, quant à elle, après une grosse crise de larmes, fit appel à la justice australienne.   
     Elles prirent l'avion, toutes les trois, Aude, France et Marcellina et se rendirent en Australie.
     France demanda la destruction de mon sperme congelé, pour des raisons morales. Aude et Marcellina présentèrent leur projet familial.
     Le juge des Antipodes statua que le peu de mon sperme restant dans les récipients congelés, même ayant un contenu émotionnel différent, pouvait être considéré comme un bien patrimonial divisible et partageable. En l'occurrence, dans le cas caractérisé, il donna raison au couple ayant un projet d'enfant. Il ajouta que les restes de ce sperme (le mien !), seront conservés jusqu'au seuil médicalement établi ou jusqu'au moment où le donneur (moi !) fera la demande de destruction...    
     Je ne revis plus jamais Aude et France. Marcellina, non plus.
     Je fus informé du côté judiciaire de l'affaire par un courrier portant le paraphe du juge australien qui ne me connaissait pas et que je ne tenais pas à connaître.
     Aujourd’hui, lorsque j'aperçois mon sexe dans la salle de bain, je ressens souvent un frisson.
     Je ne pourrais pas dire s'il est agréable ou désagréable.
     - Il me fronce le dos.
 
En vente sur Amazon (version brochée), sur Kindle (version ebook)
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7 mai 2018 1 07 /05 /mai /2018 06:35

 

 

L'enfant de Cio Cio San

 

 

     Ce matin, à mon réveil, j'ai constaté que j'ai été traumatisée. Grave. Et vous savez quoi ? Vous n'allez pas me croire pourquoi et comment. À vrai dire, il y a très peu de cas comme le mien.

     - Dans mon enfance, j'ai été l'enfant de Cio Cio San.

     C'est tout à fait possible (et intéressant ?), n'est-ce pas ?

     Mon rôle était celui d'un petit garçon vêtu d'une espèce de kimono de couleur indéfinie, disons incolore (blanc-gris). Le livret parle d'un morveux de trois ans.

     Suzuki, la servante, me prend par la main. Elle me livre à Cio Cio San, qui me prend dans ses bras. La voix de Madama Butterfly résonne très près de mon oreille. (J’ai vite appris comment la protéger ; je parle de mon oreille.) Je suis assez mal-à-l'aise. Une dame, habillée d'une manière étrange, excessivement fardée, me serre dans ses bras et chante près de mon oreille. Presque dans, presque dedans. Moi, petite fille habillée en petit garçon à moitié jap, me tiens immobile. Voire inerte. Je n'ai rien à faire. Mon rôle est d'être serré(e) dans les bras d'une cantatrice. Sans que cela ne me produise un quelconque plaisir.

     - Che tua madre dovrà prenderti in braccio...

     Elle, par contre, elle aime ça. La cantatrice. La diva. Elle aime Que tua madre dovrà... Le moment où elle se lamente ainsi, elle est heureuse. C'est triste ce qu'elle dit/chante, mais elle est heureuse – l'artiste.

     Mes parents, employés de l'Opéra où se donnait ce spectacle, avaient trouvé amusant de me faire « jouer » devant un public dont je n'avais rien à foutre. Selon eux, il n'y a eu aucune « récompense » financière.

     - Mon œil !

     Je n'en crois pas un mot. En même temps ça n'a pas été une fortune.

     - Je n'ai pas fait une carrière artistique non plus.

     Je travaille à la Mairie, dans un des bureaux du Service de l'Urbanisme. Je suis divorcée. J'ai un garçon et une fille de pères différents. Un salaire correct (plus ou moins), deux pensions alimentaires, des allocations familiales, des tickets resto et des vacances...

     À un certain moment de ma vie, une certaine évolution de mon mental – comme on dit souvent aujourd'hui – c'est fait sentir. Je ne peux pas le situer dans le fil, dans l’écoulement de ma vie. Mais aujourd'hui, j'ai pris conscience de lui. Aujourd'hui, j'ai compris que je suis entrée, enfin, que je me suis fait happer par un processus incontrôlable.

     Suite à une alchimie restée secrète, l'opéra Madama Butterfly fut créé par un certain Puccini (Giacomo, de son prénom). Au début du siècle précédent. Très bel opéra, je vous l'accorde. Grand succès mondial et, jusqu'à nouvel ordre, historique.

     Or, voilà, je me pose la question. Savait-il, ce Puccini (Giacomo), que j'allais être entraînée dans son aventure ? Si l'âme était immortelle, savait-elle, l'âme de Giacomo, là, où elle flotte aujourd'hui, que nos destins se sont croisés ? Aurait-elle connaissance de mon existence ? Aurais-je quelque chose, moi, en commun avec cette âme artistique ?

     Ma participation à cette grande aventure a été un rôle d'enfant travesti, muet et inerte, cédé temporairement par ses parents à l'opéra...

     - Quel rapport de l'enfance scellée par les parents et les autres avec la vie d'après, quel rapport avec ma vraie vie et avec la vraie vie de Puccini (Giacomo) ?

 

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